Résumé
• Dans ce roman, dont l’action se situe dans un monde imaginaire, la vie et la mort se côtoient sans relâche alors que deux peuples de culture complètement différentes s’affrontent.
À la suite du Grand Chaos, la Terre a subi une importante métamorphose. Le riz est devenu du zir, les corbeaux-huards et les érables-peupliers ont donné naissance à des types mixtes: les corbuards et les éraillers.
Les guerres de religion persistent et secouent la planète depuis plus de soixante ans. Les Éclatants sont les victimes des conflits entre Rebelles et Fkions.
Oznael, comme tout bon soldat de l’armée des Fkions, est programmé pour tuer, détruire, exterminer; il fait partie de l’élite des «écraseurs», ces militaires chargés de revenir sur les lieux d’un combat pour s’assurer qu’une opération a été efficace et qu’il ne reste aucun survivant.
Alors qu’il est en mission pour éliminer les Éclatants, ces habitants de la région de Layio, Oznael se retrouve face au jeune Aoza. Cette rencontre changera le cours de sa destinée et lui fera prendre conscience de l’horreur des massacres engendrés par les conflits religieux.
Un roman beau et cruel à la fois. Un roman d’espoir, un rêve couleur d’orange…
Jacques Lazure
Les hommes qui luttent dans les mines
aux souches de leur peuple
que l’on fusille à bout portant
en sautillant de fureur
n’en finissent plus
de rêver couleur d’orange
Marie Uguay, L’OUTRE-VIE
Chapitre 1
Étendu à plat ventre sur le haut d’une montagne, les jumelles braquées sur la plaine bleue, Oznael n’en croyait pas ses yeux: non seulement le camp, avec sa soixantaine de huttes et son sanctuaire, était toujours là, mais, en plus, des Éclatants semblaient encore y vivre. Le soldat distinguait nettement des formes humaines se promenant le long des maisonnettes de jonc. Ils étaient environ une dizaine des deux sexes, à en juger par leurs vêtements, les femmes portant de longues tuniques, les hommes des chemisiers, des pantalons au tissus épais, usé et terne.
Oznael crut tout d’abord que ces Éclatants faisaient le guet. Ils se déplaçaient lentement, le corps dressé, le menton pointé vers l’horizon. De temps à autre, ils se retournaient et revenaient sur leurs pas. Mais en les observant bien, le soldat se rendit compte que ces individus ne surveillaient rien: ils piétinaient sur place, marchaient sans discipline, si bien qu’à l’occasion les uns heurtaient les autres sans que ces incidents provoquent la moindre réaction d’hostilité. Étrange…
Délaissant ses jumelles, le jeune homme se tourna sur le dos en fixant le ciel parsemé de nuages. Des corbuards tournoyaient au-dessus de lui en poussant des cris rauques comme s’ils voulaient dénoncer la présence en ce lieu du militaire. Ce dernier eut peur d’être trahi par les oiseaux. Il devait agir vite. Et bien.
Il n’avait pas beaucoup d’alternatives: s’il utilisait sa mitraillette, les Éclatants, peut-être armés eux aussi, risquaient de le tuer avant qu’il ne termine son carnage. Les grenades ne représentaient pas un moyen très efficace; il en faudrait plusieurs pour démolir le camp. De plus, les moines fkioniens avaient souligné la pénurie de grenades qui affectait l’armée. Dans la mesure du possible, on devait les ménager.
Ne restait que le feu. Incendier ce village et mitrailler ceux et celles qui tenteraient de fuir. Oznael ferma les yeux. Des images horribles défilaient dans sa tête et il crut les enrayer simplement en ne regardant plus le ciel. Mais le cinéma de sa pensée continuait et des massacres lui revenaient en mémoire. Il entendait des cris, il voyait des gens se changer littéralement en torches humaines, il sentait l’odeur du soufre mêlée à celle de la chair brûlée.
Voulant réagir, le soldat ouvrit les yeux et se redressa d’un bond. Il prit une grande respiration pour se donner du courage. Il ne fallait pas céder aux souvenirs des Opérations Extermination. Il avait une mission à accomplir. Il était un «écraseur», un militaire chargé de revenir sur les lieux d’un combat pour vérifier si une Opération avait été efficace. Mais ici, il ne semblait pas y avoir eu d’extermination puisque le camp et ses habitants existaient toujours. Il était pourtant bien dans la région de Layio, au sud d’Eschmalda, là où les terres granuleuses ont des reflets bleus. C’était bien là qu’on l’avait envoyé…