Résumé
• L’Ombre de l’épervier, l’envoûtante Gaspésie de Noël Audet portée à l’écran dès le 5 janvier.
• Une grande fresque historique riche en émotions réalisée par Robert Favreau, coauteur du scénario avec Guy Fournier.
• Treize épisodes mettant en vedette Luc Picard et Isabel Richer.
• Une production de Verseau international, dont René Dupéré signe la trame musicale.
La télévision nous permet de revivre une grande fresque historique, riche en émotions : L’Ombre de l’épervier, un roman signé par Noël Audet aux Éditions Québec Amérique et qui s’est vendu à plus de 70 000 exemplaires.
La mer, les rochers, les tempêtes et les marées servent de toile de fond à cette passionnante chronique du village gaspésien de l’Anse-aux-Corbeaux. Dans ce village, Pauline, une femme forte et ambitieuse, et Noum, un batailleur obstiné, vivront une émouvante histoire d’amour et tenteront d’améliorer leur sort et celui de leur famille en luttant contre l’exploitation des pêcheurs.
Mettant en vedette Luc Picard et Isabel Richer, les treize épisodes de L’Ombre de l’épervier seront diffusés le lundi à 21 h sur les ondes de la Société Radio-Canada. Réalisée par Robert Favreau (Portion d’éternité, Nelligan, Trois femmes, un amour) qui en assume également la scénarisation avec Guy Fournier (Jamais deux sans toi, L’Or et le Papier, Les Héritiers Duval), cette série est produite par Lyse Lafontaine de Verseau international (Léolo, Jasmine). René Dupéré (Alegria) signe quant à lui le musique originale de L’Ombre de l’épervier.
Noël Audet
Né à Maria, dans la baie des Chaleurs, Noël Audet a enseigné au département d’études littéraires de l’Université du...
Né à Maria, dans la baie des Chaleurs, Noël Audet a enseigné au département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal durant...
Né à Maria, dans la baie des Chaleurs, Noël Audet a enseigné au département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal durant près de trente ans. Auteur de...
Né à Maria, dans la baie des Chaleurs, Noël Audet a enseigné au département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal durant près de trente ans. Auteur de plusieurs publications, il a été finaliste au Prix du Gouverneur général et au Prix Molson de l’Académie pour L’Ombre de l’épervier. Il a aussi été nommé Personnalité de l’année 1990 dans le...
Né à Maria, dans la baie des Chaleurs, Noël Audet a enseigné au département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal durant près de trente ans. Auteur de plusieurs publications, il a été finaliste au Prix du Gouverneur général et au Prix Molson de l’Académie pour L’Ombre de l’épervier. Il a...
Né à Maria, dans la baie des Chaleurs, Noël Audet a enseigné au département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal durant près de trente ans. Auteur de plusieurs publications, il a été finaliste au Prix du Gouverneur général et au Prix Molson de l’Académie pour L’Ombre de l’épervier. Il a aussi été nommé Personnalité de l’année 1990 dans le milieu...
À Pierre Dansereau, qui a suffisamment
compris la vie pour l’aimer sous toutes
ses formes et jusque dans ses contradictions,
et pour m’avoir suggéré d’écrire ce livre.
À Lyse, pour les autres raisons.
Qui apprendrait les hommes à mourir,
leur apprendrait à vivre.
Montaigne
Chapitre 1
Pauline, au temps de Noum
Je pourrais vous dire que j’ai connu Pauline, mais ce serait mentir et je m’en tiens à la vérité comme un soldat se tient au garde-à-vous. Je ne l’ai pas connue, j’ai fait mieux: je l’ai réinventée à partir de la rumeur tenace qui me parvenait d’elle encore bien des années après sa mort. Elle ne fut d’abord qu’un cri particulier, puis un jour j’ai rencontré son visage au bord de la mer et dans mon souvenir. Et lentement la nécessité a fait le reste: Pauline est maintenant achevée de pied en cap et joue de l’épaule à la sortie. Il faudra lui livrer passage de toute urgence, sinon elle serait capable de m’ouvrir le ventre pour le simple caprice de voir le jour. Je l’aime comme si elle était de ma chair, ou plutôt comme si j’étais de sa chair et de son âme. Elle n’attendait qu’un signe pour bondir sur la scène et commencer à m’étonner. Passant la tête entre les rideaux, elle a dit ìÇa faisait un bout de temps que je t’espérais!î mais je ne sais trop ce qu’elle a voulu dire. Elle est ensuite partie sans se retourner.
Attention au départ! criait le contrôleur des trains de mon enfance, sans doute pour nous préparer au contrecoup possible. Je préfère à mon tour vous annoncer qu’il y a parfois de la houle entre les lignes et je ne garantis pas un voyage sans à-coups.
— Bonté divine! Il va pleuvoir des hallebardes! et Noum qui est en mer.
Derrière la vitre brillaient deux yeux de louve. Elle s’était tenue dans la pénombre, depuis de longues heures, à regarder la mer, immobile. Elle sortit tout à coup, comme inspirée par le temps, prit position près du bouleau qui s’inclinait vers le précipice, et cette petite femme délicate ouvrit la mâchoire pour laisser sortir un cri massif, prolongé, qui dévala le cap et troua l’espace au-dessus de la mer. C’était un hurlement enveloppé de douceur, directement venu de la gorge et modulé par une bouche sensuelle. Personne au début ne semblait l’entendre, sauf le capitaine Noum à qui il était destiné. Son cri deviendrait plus tard la hantise de tout le village et confirmerait l’étrange surnom de sa descendance.
Au flanc de la colline ouest, le premier coup de vent de l’automne courut, plaquant les hautes herbes par bonds souples et capricieux, on aurait dit la foulée d’un renard invisible. Pauline savait, même si la voûte du ciel était encore claire comme le cristal, que la menace surgirait de plus loin, à la crête des montagnes. La pluie s’abattrait bientôt par paquets drus et les vents brasseraient la mer à en perdre le sens. C’est là que Noum s’arrachait l’âme dans une minuscule barque qui tenait si mal la mer. Mais cet entêté s’obstinait à la remplir à ras bords, menaçant de naufrager à chacune de ses pêches miraculeuses. Il attendait toujours le signal de Pauline pour lever l’ancre.
Elle regagna sa place à la fenêtre, l’œil froissé par le désir ou la satisfaction du devoir accompli. Elle contemplait de nouveau la mer et percevait, sans vraiment le fixer, le petit point noir qui tanguait au large. Il rentrera tout à l’heure au port, comme d’habitude, il ne dira rien ni même merci, il mangera en silence, l’air un peu renfrogné d’un ours qui aurait un vague sourire aux lèvres.
— Ça achève, dira-t-il enfin.
— Qu’est-ce qui achève?
— La mer.
— La pêche, tu veux dire.
— …mmm.
Les deux pieds plantés dans le hareng jusqu’aux cuisses, Bonne pêche! pensa-t-il, Noum Guité entendit l’appel de Pauline aussi nettement que la plainte d’un loup hurlant à la lune, et il sourit de contentement. ìC’est l’heure, mais la journée me paraît pas mal courte aujourd’hui!î Il s’appliqua à remonter l’ancre: un petit coup de sonde d’abord, comme on tâte une ligne pour voir si ça mord, puis il blêmit. Sainte Fourche! jura-t-il. L’ancre était rivée au fond, rien ne bougeait sauf le nez de la barque qui risquait de s’enfoncer à chacun de ses efforts. S’il avait au moins le temps d’aller se placer à angle droit, car parfois la pointe de l’ancre se coince sous un rocher, et il suffit de tirer doucement… Mais le vent le repoussait.
Comme un rideau qui tombe, la pluie s’abattit d’abord au large, on aurait dit pour boucher l’horizon, puis dans un mouvement de demi-cercle l’orage se referma sur la petite barque pour bientôt la saisir entre ses mâchoires. Fais ta prière, Noum! Pauline dit toujours qu’il y a un bon Dieu pour les innocents, et je crois que je suis bien assez innocent pour en mériter un. Si je m’en tire cette fois-là encore, je m’encadre et je bouge plus du mur! Pataugeant dans le hareng, le corps gluant, l’eau lui pissant du nez et du bout des doigts, il réussit finalement à arracher l’ancre. Mais à sa grande surprise, le bateau fut si violemment emporté par le vent que l’ancre, au bout de son cordage, se mit à flotter comme un hameçon gigantesque. C’est du moins ce que ce pêcheur fils de pêcheur prétendra plus tard. Une ancre de fer pesant au moins vingt-cinq livres, flotter à la surface de la mer comme Jésus-Christ marchant sur les eaux, rajoutera-t-il, pour rendre la chose plus vraisemblable sans doute!
Lorsque l’ancre eut finalement regagné sa place par on ne sait quel nouveau sortilège, Noum se mit à rejeter du poisson à la mer pour délester son embarcation. Dans son for intérieur il se comparait à Abel sacrifiant des brebis pour apaiser la colère de Dieu. À chaque poignée de harengs rejetée à la mer, il pensait: Un peu moins d’engrais car à cette époque, les fermiers engraissaient la terre avec du hareng , un peu moins d’argent dans mes poches! Il mit enfin le cap sur la pointe ouest de L’Anse-aux-Corbeaux en soupçonnant Pauline de ménager son cri, de tarder un peu plus chaque fois à le prévenir, comme si elle prenait plaisir à le voir se mesurer à la tempête. Ou alors c’est que la vue de Pauline baisse, et s’il se fie trop entièrement à elle, un de ces jours, par la sainte Fourche, il coulera à pic et la terre sera débarrassée de sa carcasse. On a beau dire, il n’a plus la force de ses vingt ans et il a de moins en moins envie de provoquer la mer. Il fut un temps où c’était un jeu, il faisait des paris qu’aucun gros temps ne l’empêcherait de sortir, et il les tenait. Une fois, l’employé des Robin lui avait gagé un dollar qu’il n’aurait pas l’audace d’aller lever ses filets, alors qu’il faisait un temps de chien, que la mer elle-même était à l’envers. Il faut savoir que l’employé des Robin, M. French, ou plutôt le ìHareng boucanéî comme on l’appelait, ne l’aimait pas beaucoup, il lui préférait nettement Pauline et il n’aurait pas détesté le voir se noyer pour une folichonnerie. Eh bien! Noum avait relevé le défi, pour ensuite se permettre de le gifler, ce Hareng boucané, devant tout le monde, à coups de morue salée. Vlan et vlan! Le petit monsieur pincé, en habits du dimanche, risquait de sentir le poisson pendant bien longtemps… sans parler du sel qui avait laissé des griffures sur son noble visage. Non, en plus du plaisir immédiat, des souvenirs comme celui-là lui fouettaient le sang et conféraient à sa vie quelque chose de fondamental, une direction pourrait-on dire.