Résumé
Au cœur de la forêt, à l’écart du reste des hommes, un père et son jeune fils mènent une existence sauvage, dure et désolée, semblable à celles des bêtes qu’ils côtoient. Un jour, l’inévitable collision entre cette réalité et celle du monde civilisé se produit, et le fragile édifice mental construit par eux se lézarde, puis s’écroule. Roman d’amour halluciné, à haute teneur métaphorique, Le Jour des corneilles plonge au plus profond de l’âme humaine afin d’en rechercher la source mystérieuse. Et si cette histoire incendiaire et extraordinairement touchante, ce langage si proche d’une certaine innocence, cette forêt évoquant quelque tréfonds de l’être, cette ambiance de maison hantée partout palpable dans le roman, si tout cela était en somme l’illustration des forces vives qui tout à la fois consument et soulèvent chaque homme ?
Jean-François Beauchemin
“Cependant que père était livré au docte-plâtreur, Manon entreprit de me débarbouiller. Je fus d’abord enseigné du sens de ce mot-là, qui désigne immersion en barrique et savonnade vigoureuse. Dans une chambrette de l’hospite, je fus ainsi récuré pour la première fois de ma vie, à l’aide de brosse et savonnette, que Manon maniait avec industrie. Tandis que je sentais la brosse manœuvrer, il me paraissait que ma charmante ne faisait pas qu’enlever croûtes et étages de crasse sur ma peau, mais aussi qu’elle atteignait de plus aprofondes zones, jusqu’à l’abord d’une contrée encore ignorée. Comme si elle se faufilait en ma personne, y défrichait une forêt nouvelle et y venait s’établir. Je songeais à l’étrangeté que voici : souventes fois, nous nous concevons reclus en nous-mêmes comme en accoutre étanche. Puis, un jour, le commerce aimable des autres nous pénètre et abolit cette solitude de captif.”