Résumé
• Un panorama du roman récent (depuis 1992) : les cent meilleurs.
• Recueil de critiques littéraires écrites par Jacques Allard dans Le Devoir de 1992 à 1996.
• Un intérêt particulier pour le discours amoureux.
• Des analyses incisives et brèves de la vie que l’on imagine au Québec en cette fin de siècle.
• Un vaste tableau d’époque où parlent des voix amoureuses et artistiques.
• Un livre de lectures où se dégage un tableau d’époque qui rappelle celui de L’Heure mauve, du peintre Ozias Leduc
• Un ouvrage qui s’adresse aux amateurs de romans, aux férus de littérature québécoise, lecteurs du Devoir, étudiants, professeurs, éditeurs et écrivains.
Que se passe-t-il dans le roman actuel ? Que dit-on depuis cinq ans dans votre vie imaginaire ? Quelle vie ? Quels amours ? Quel Dieu ?
Pendant plusieurs années, Jacques Allard a choisi à chaque semaine l’ouvrage le plus intéressant, l’a résumé et analysé.
En cette époque d’incertitudes, ont surgi des histoires mélancoliques ou drôles où parfois revient la famille, la tribu des amis, des frères et des sœurs plus que celle des pères et mères. L’amour reste le thème le plus riche avec celui de l’art. Amants et artistes font recommencer le monde ici et ailleurs, en France, en Italie, en Inde…
Ce sont en majorité des romans mauves, à l’image de la peinture d’Ozias Leduc, L’Heure mauve, des récits de fin d’époque où la rêverie règne en attendant que reparte la vie.
Jacques Allard
Passionné du roman québécois, Jacques Allard a publié quelque 300 articles sur cette littérature qu’il enseigne à...
Passionné du roman québécois, Jacques Allard a publié quelque 300 articles sur cette littérature qu’il enseigne à l’Université du Québec à...
Passionné du roman québécois, Jacques Allard a publié quelque 300 articles sur cette littérature qu’il enseigne à l’Université du Québec à Montréal et ailleurs dans le monde....
Passionné du roman québécois, Jacques Allard a publié quelque 300 articles sur cette littérature qu’il enseigne à l’Université du Québec à Montréal et ailleurs dans le monde. Il est aussi directeur littéraire chez Québec Amérique. Après avoir fait la critique, de 1992 à 1996, du livre québécois dans le quotidien Le Devoir, il a retenu une centaine de ses chroniques pour en...
Passionné du roman québécois, Jacques Allard a publié quelque 300 articles sur cette littérature qu’il enseigne à l’Université du Québec à Montréal et ailleurs dans le monde. Il est aussi directeur littéraire chez Québec Amérique. Après avoir fait la critique, de 1992 à 1996, du livre québécois dans le quotidien Le ...
Passionné du roman québécois, Jacques Allard a publié quelque 300 articles sur cette littérature qu’il enseigne à l’Université du Québec à Montréal et ailleurs dans le monde. Il est aussi directeur littéraire chez Québec Amérique. Après avoir fait la critique, de 1992 à 1996, du livre québécois dans le quotidien Le Devoir, il a retenu une centaine de ses chroniques pour en faire les...
À Katherine
Chapitre 1
L’amour qui fait mal
La Maison rouge du bord de mer
roman, Hugues Corriveau, XYZ, 1992, 157 p.
Ismïa et Yachar, fille et garçon de 12 ans, fuient la ville et le travail. En seulement trois jours, au bord d’une mer innomée (égyptienne?), ils s’aimeront, allant des premiers émois à une pratique sadomasochiste. Autant le savoir tout de suite, l’ambition de ce petit récit de seize chapitres est fort grande, sans pour autant nicher dans la vraisemblance, quoique le réalisme de son discours soit celui du porno «hard». Que les lecteurs qui ont encore de la pudeur en soient prévenus, ce récit poétiquement vicieux ne cache que ses références au réel.
Son auteur, professeur au collège de Sherbrooke, connu et estimé pour une œuvre surtout poétique présente ici, après les Chevaux de Malaparte (1988), son deuxième roman. La Maison rouge du bord de mer paraît ainsi dans cette collection («Romanichels», dirigée par André Vanasse) dont presque chaque titre a été un événement médiatique. Rappelons-nous, par exemple, le Vautour de Christian Mistral ou encore L’Hiver de pluie de Lise Tremblay. On parlera sans doute aussi de ce nouveau titre.
Les amateurs de romans québécois qui le liront penseront à notre premier roman érotique, Orage sur mon corps qu’André Béland (1926-1980) publia en 1944. Ce sera pour conclure, sans doute assez rapidement, que l’Orage de nos années 40, tout en faisant le tour du corps et de ses interdits, restait enfantin, adolescent même, dans son exploitation de la cruauté ou de la douleur associée au plaisir sexuel. Mais, paradoxalement, cette Maison rouge leur paraîtra peut-être plus perturbée, moins libérante que l’expérience «surréaliste» de Béland.
Commencé dans le regard du garçon Yachar sur la fille Ismïa endormie nue sur la plage, ce récit sado-pédophile se terminera sur les «grands ciseaux ouverts des jambes d’Ismïa», confirmant au lecteur l’idée progressivement construite que l’amour ne s’érige que pour être coupé. Tout au long de brefs chapitres, à travers des images lascives de littoral exotique (autour de l’ibis et son bec recourbé) se racontera une sensualité aussi poétique que crue: la présentation d’un monde magique, où tout conspire à susciter le désir mais s’allie avec la trivialité la plus ordinaire quand il s’agit de nommer l’échange amoureux. Les enfants commencent par le commencement des tendresses et des caresses, les baisers bien trempés de la mer. Puis eux, qui sont des amoureux de plage, découvrent les amours douloureuses du couple adulte de la maison rouge. Yachar, même troublé, ne voudra surtout pas faire de mal à Ismïa dont l’hymen est encore intact. Aussi Ismïa devra-t-elle, au plein centre de l’ouvrage, remarquez bien, s’empaler elle-même sur un Yachar aussi désirant qu’empêché, signalant par là la direction apparemment naïve mais inéluctable du récit. On apprendra ensuite que ces enfants avaient déjà une grande expérience sexuelle, toutes perversions comprises… L’expérience a été d’abord homosexuelle, en fait incestueuse, sororale et fraternelle: ils ont été initiés par leurs aînés. Il ne leur restait donc qu’à s’adonner à des amours hétérosexuelles, plus souffrantes celles-là, incapables d’échapper aux souvenirs rouge sang de la maison de la plage, jusqu’à la paire de ciseaux de la clôture narrative.
Obscène, ce récit? Parce que cet érotisme n’est pas le vôtre? Parce que la culpabilité judéo-chrétienne, la castrante, ne fait pas bander votre arc? Même quand elle est curieusement servie d’une manière presque arabe? Baudelaire, érotomane distingué, disait: «L’amour de l’obscénité … est aussi vivace dans le cœur de l’homme que l’amour de soi-même». Dans beaucoup de publications récentes, ici comme ailleurs, on dirait aussi que c’est le récit qui s’aime. Beaucoup. Trop. L’amour qui fait mal fait du bien au récit.